Le bracelet

Il y a quelques semaines, déjà, elle était allée au magasin de bricolage, avait choisi avec soin ces perles, ces élastiques colorés. Il y a quelques semaines qu'elle avait mis au point ces petits bracelets fantaisie, rassemblé ces photos,  cherché le petit poème qui accompagnerait le tout, Imaginé une jolie carte.

Cette institutrice s'était réjouie de cette fête des mères qui approchait. Elle avait savouré à l'avance la joie de ces petits doigts maladroits qui enfileraient les perles. Elle avait patiemment fait répéter les mots du poème aux petites voix claires et balbutiantes à la fois.

Et pourtant son coeur saignait. Combien de larmes secrètes, ces quelques perles avaient  reçues. Depuis des années maintenant,mois après mois, son coeur était déçu. Elle avait rêvé du petit berceau que l'on garnit douillettement, d'arpenter les magasins à la recherche de tout petits vêtements, de feuilleter les catalogues de jouets. Elle avait prié avec véhémence, imploré le Ciel en vain et son foyer restait vide, désespérément, et chaque jour, à l'école maternelle, c'est les enfants des autres, qu'elle éveillait, dont elle consolait les chagrins, qu'elle reprenait. C'est aux enfants des autres femmes qu'elle donnait son sourire, sa joie, sa tendresse maternelle, sa patience aussi.

Et le soir de ce dimanche de la fête des mères, une maman a pensé à cette femme depuis si longtemps en attente d'enfant. En regardant ce bracelet elle s'est souvenue que celle qui avait encouragé sa petite fille à le confectionner, était seule dans une maison silencieuse.

Petite institutrice, et vous autres, femmes sans enfant, célibataires sans mari ne pleurez pas. Cette fête des mère est aussi la vôtre. Par votre maternité spirituelle sur nos enfants, vous contribuez à les élever, par votre disponibilité, votre écoute, vous aidez les mamans débordées qui n'arrivent pas à prendre du recul et qui, dans une course effrénée, se demandent avec angoisse si elles font bien, si elles arriveront à consacrer assez de temps à chacun de leurs petits. Vous qui n'avez connu les douleurs et les fatigues de la maternité, votre solitude souffrante est le creuset de méditations, prières qui portent les pauvres mamans débordées. Ces mamans qui prient en pensant à la soupe qu'il ne faut pas faire brûler, au coquin qui fait le guignol, là juste sous ses yeux, au bébé qui est encore enrhumé... ces mamans que le silence inquiète : Le petit respire-t-il bien? Le tout mignon, n'est -il pas en train d'inventer une nouvelle bêtise? L'ado ne s'est -il pas réfugié dans quelque sombre rêverie ?

Ces mamans qui se demandent parfois si elles savent encore prier, méditer, apprécier le silence... Vous femmes sans enfants, vous le faites pour elles. Et je voudrais ce soir, au lendemain de cette fête des mères si douloureuse à votre coeur maternel orphelin d'enfants, vous témoigner timidement (une douleur est si  difficile à approcher) ma reconnaissance.

Comments

[Clotilde]

Bravo pour ce bel article si plein de coeur.
grand merci pour votre si gentille visite sur mon blog. bel été !

[marisa]

Magnifique! vous avez tout compris.

[Christelleanne]

Et bien voilà! tu as réussi à me faire verser une petite larme.
Je sais ce que c'est!... mais j'ai eu cette chance de devenir maman (à 35 ans)et j'ai tjrs une pensée pour ces femmes qui ne connaitront pas ce bonheur.
Biz
Christelle

[Lili]

Ce message est très émouvant; il nous rappelle que malgré toutes les fatigues et angoisses que nos enfants nous donnent, nous avons la grande grâce de les avoir...Merci pour ces lignes et bonne fête à toutes celles dont les espoirs ont été déçus.

[Elisabeth]

L'une de nos amies mariées et sans enfant est aussi maîtresse d'école et c'est difficile pour elle. Elle avait choisi ce métier pour pouvoir travailler et s'occupper de sa famille...